Le narrateur, plutôt âgé, n’a plus qu’une heure à vivre. Coincé dans son cercueil, il raconte ses souvenirs : alcool, tabac et cancer, boulot minable, mais aussi rencontres pittoresques, virées nocturnes dans un Paris indispensable à son malaise. L’épisode du bistrot du père Jean dans des Halles vouées à disparaître est amusant et les personnages qui le fréquentent distrayants et caricaturaux. Sa révolte et sa misanthropie lui font haïr également sentimentalité, libéralisme, colonialisme, humanitaire, cléricalisme et toute forme de mondialisation. Son cynisme provocateur suggère même des combats de gladiateurs entre chômeurs ! Passant de la rancoeur à l’autodérision, cet antihéros est assez excessif. Une improbable liaison surgissant en fin de texte entre cet aigri et l’Innommée éclaire peu cette diatribe contre la société.
Rappelant l’anticonformisme systématique de L’Enchantée (NB août-septembre 2003), l’humour noir séduit le lecteur par son style brillant, ses formules mordantes et un vocabulaire parfois recherché. Dommage que l’aigreur de la potion en gâche la saveur.