Les chagrins de l’arsenal

Des livricides sont perpétrés à la bibliothèque de l’Arsenal. En effet Timothée Flandrin, qui y travaille, supprime tous les livres qui lui ont gâché ses études, littéraires et douloureuses. Il adorait lire, mais une santé précaire, une vie sentimentale en berne et une solitude croissante l’ont conduit à haïr tous les écrivains menteurs, inutiles ou nuisibles à ses yeux. Il consent à épargner – provisoirement – les étrangers, les révoltés et les vivants. S’il conçoit mille façons différentes de détruire nuitamment les ouvrages, il rêve aussi de supplices raffinés pour leurs auteurs. Hypocondriaque, misanthrope, dépressif et nihiliste, il souhaite faire place nette avant de disparaître. Comme Un soir d’aquarium (NB octobre 2011), ce roman est iconoclaste et d’un humour corrosif, parfois lassant par ses outrances ironiques. Il témoigne cependant d’un savoir encyclopédique et peut se lire comme une apologie en creux de la littérature française. Seul un antihéros à demi fou, marqué par la mésentente de ses parents, incapable d’aimer, mais extraordinairement cultivé, peut dénigrer de manière satirique et pointue les écrivains les plus prestigieux. La langue est riche, inventive, truculente et méchante. On en sort un peu sonné par tant de mauvaise foi drolatique.