Les exilés meurent aussi d’amour

SHALMANI Abnousse

Fuyant l’Iran, Shirin, huit ans, arrive en 1985 à Paris avec une famille issue de la grande bourgeoisie, névrosée et sans amour, où le grand-père viole dans le silence filles et petites-filles. La volonté de pouvoir règne, orchestrée par l’aînée de quatre soeurs, particulièrement mauvaise. Shirin grandit, observe, note. Elle réussira à prendre ses distances et conquérir la liberté.  Ce roman d’une noirceur excessive et peut-être en partie autobiographique (Khomeiny, Sade et moi, NB juillet-août 2014), explore des liens familiaux pathologiques. Chacun, insatisfait, veut sauver la face, se dit révolutionnaire en se berçant de discours idéologiques creux, brandit l’honneur familial… Avec Hannah, voisine juive bienveillante et lucide, la mère de Shirin, exploitée, volant sur commande, cuisinant et lavant pour tous, humiliée, jamais remerciée, est la seule figure touchante. Son jeune fils, herboriste, empoisonneur surdoué, est la figure terrifiante. Des contes persans en tête de quelques chapitres renforcent avec subtilité la mélancolie de l’exil, le regret d’une civilisation et d’une vie dorée qui imprègnent le difficile présent. La culture française qu’il faut intégrer est aussi brillamment présente que la culture persane. Et les mots, violents, moqueurs, passionnés de l’auteur l’aident à guérir de l’exil et de la famille. Quelques longueurs. Une rare intensité. (M.W. et A.-M.D.)