Cent quatre-vingts crépuscules

DAOUD Hassan

En bordure de route, face à la mer, des immeubles minables, des boutiques, quelques chrétiens, des musulmans… Le flot souterrain des désirs sexuels imprègne les esprits, sous la surface de la vie quotidienne immobile, coupée du monde ; les adolescents provoquent les filles, les femmes sont guettées des balcons. Furtivement, une très jeune fille montre ses seins à Teyssir, vendeur d’oiseaux simplet, l’un des quatre narrateurs. On voit leur jeu, les tensions montent tandis que des réfugiés arrivent, que les explosions se rapprochent. Teyssir tue un persifleur, déclenchant l’affrontement des communautés sous le manteau de la guerre. Dans le village déserté, pillé, ne restent que la boutique de jouets dérisoire et ses deux vendeurs.

 

Empêtré d’ennui, d’attente, de passivité triste, le rythme s’étire, l’atmosphère s’emplit du poids des interdits, de l’hostilité latente qui sourd des soliloques. Ceux-ci sont nuancés selon les personnalités avec une pénétration maîtrisée, pas toujours servie par le style (ou la traduction ?), conduisant cependant au coeur des intimités et des mentalités. Les thèmes du Chant du pingouin (NB décembre 2007) – communautés, vies de voisinage – sont repris, qui suggèrent en arrière-plan jamais affiché un Liban sidéré par les conflits.