Sortir de chez soi

JURGENSON Luba

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Luba Jurgenson, nĂ©e Ă  Moscou, s’interroge sur la traduction. Du français dont elle a fait l’apprentissage Ă  l’école, avec l’oreille aimante de sa grand-mĂšre qui observait ses progrĂšs, elle garde intacts en mĂ©moire les premiers tĂątonnements, les hĂ©sitations dans la bouche, et s’étonne encore et toujours que « le monde puisse se dĂ©verser d’une langue dans une autre Â». À l’inverse des pratiques habituelles, elle a choisi de « sortir de Â» chez elle en traduisant des Ɠuvres russes vers sa langue d’adoption, le français. Ses dĂ©ambulations dans les rues parisiennes ou berlinoises nourrissent son travail : rythmes, scansion, rĂ©sonances viennent Ă  elle et l’amĂšnent depuis peu Ă  traduire aussi la poĂ©sie. Elle n’a de cesse de creuser, prononcer, Ă©couter, chercher le mot qui rend au poĂšme sa rugositĂ© ou sa mĂ©lodie, au texte sa justesse, selon la sensibilitĂ© du moment, rien n’étant jamais figĂ©. On entre dans ce livre comme dans un laboratoire qui livrerait des secrets sur l’alchimie du verbe, et l’on y croise Marina TsvetaĂŻeva, Ossip Mandelstam, Vladislav Khodassevitch, LĂ©on Tolstoï
 La finesse de l’écriture, la subtilitĂ© du propos, les confidences de l’autrice et son enthousiasme rĂ©jouissent profondĂ©ment. (P.H. et P.M.)