Piouh, petit habitant du grand bois

BILLON SPAGNOL Estelle

Piouh est un adorable oisillon jaune aux yeux ronds « souvent Ă©carquillĂ©s », au bec noir « petit mais costaud », bien plantĂ© sur des pattes noires « solides et bondissantes », coiffĂ© d’un bonnet orange « multifonction ». On sait tout de lui, extĂ©rieur comme intĂ©rieur ; mieux encore, grĂące au portrait chinois, on apprend quelle couleur, quelle chanson, quel animal et quel gĂąteau il serait. À coup sĂ»r, on le connaĂźt ! Mais on passerait Ă  cĂŽtĂ© de l’essentiel si on ne voyait pas que, quand les autres banalement volent, lui, est un poussin sauteur. Si on ne savait qu’il habite une « champimaison » spacieuse, qu’il a deux amies complĂ©mentaires, l’une rouge, l’intrĂ©pide Coxi, l’autre verte, la gentille Guernouille ! On entre dans sa Vie, la vraie avec ses sautes d’humeur, « humeur grizzly » et « humeur fourmi » et le recensement de moments aimĂ©s et de moments dĂ©testĂ©s. Une vie bien remplie avec son indispensable part de rĂȘve : aller sur la lune comme Ti-Cui son hĂ©ros personnel. Alors oui, la vie de Piouh peut faire des envieux


Elle fait l’objet d’un « vrai livre » avec des chapitres qui organisent la narration, dessin et texte mĂȘlĂ©s. Le portrait exploite les possibilitĂ©s du dessin lĂ©gendĂ© en Ă©criture cursive et petites flĂšches pour faire sĂ©rieux. TrĂšs drĂŽle dans la planche qui rend ainsi visible la vie intĂ©rieure du personnage. Le mĂȘme procĂ©dĂ© permet de dĂ©couvrir en coupe l’intĂ©rieur de la maison du hĂ©ros : un moment important dans l’élaboration de son univers tant, dans la gĂ©ographie de l’enfance, c’est un lieu chargĂ© en affects. Des trouvailles graphiques donnent Ă  cette « champimaison » adorĂ©e que Piouh ne quittera jamais une dimension organique, comme un clin d’oeil Ă  Ponti. Le rĂ©cit de la vie de Piouh, sous forme de petits Ă©pisodes, fourmille de dĂ©tails : l’auteur travaille les effets d’attente, joue avec l’impatience du lecteur. Ainsi Piouh lui-mĂȘme ne dĂ©couvre son pouvoir qu’au bout de 203 jours et six pages. De quoi rĂ©galer les conteuses ! Le texte exploite le succĂšs garanti des onomatopĂ©es ou de mots aussi pittoresques que la « goinfrade » du matin, mais travaille Ă©galement la poĂ©sie des Ă©vocations sans aucune miĂšvrerie : ainsi Piouh sautille Ă  reculons « comme pour voir son Grand Bois pour la toute premiĂšre fois ». Le traitement espiĂšgle du dessin joue des codes de la BD avec fantaisie pour varier les effets de la mise en page. On s’arrĂȘtera avec plaisir sur la derniĂšre double page qui intĂšgre dans cette histoire vitaminĂ©e les informations techniques concernant l’édition de l’album.(C.B. et P.E.)