Meursault, contre-enquête

DAOUD Kamel

Au soir de sa vie, dans un bar d’Oran, un Algérien raconte à un inconnu sa triste existence toute entière dominée par le fantôme de son frère, assassiné pour rien sur une plage d’Alger en plein soleil, en 1942. Un frère, l’Arabe, sans nom, sans corps, sans tombe, qui n’existe plus que dans son souvenir et dans celui d’une mère plongée dans un deuil sans fin et rongée par l’obsession de la vengeance…  Étrange et déconcertant roman que cette lecture à rebours de L’Étranger. Extraordinairement prenant, ce long monologue revendique clairement, et jusque dans le style, son parallélisme avec le célèbre roman de Camus, la similitude de ses héros tous deux athées, apathiques et asociaux. Il dévoile dans un jeu de miroirs le revers de la médaille : l’absence d’existence d’un homme contraint par sa mère à « endosser son frère », la frustration et l’humiliation de l’anonymat, ce sentiment de n’être personne dans un pays colonisé. Un livre fort, riche en symboles. (E.G. et M.-N.P.)