Jacob, Jacob

ZENATTI Valérie

En AlgĂ©rie, dans les annĂ©es quarante, chrĂ©tiens, juifs et musulmans vivent en harmonie. Chez les Melki, famille juive arabe, on travaille dur comme cordonniers de pĂšre en fils. Pourtant, Ă  cause de la guerre, la misĂšre s’est installĂ©e durcissant par les inquiĂ©tudes qu’elle gĂ©nĂšre le climat familial. Comment alors, Rachel ne serait-elle pas en adoration devant Jacob, son petit dernier, si beau, si studieux et si gentil pour chacun ? Arrive juin 44
 Jacob, Ă  tout juste dix-neuf ans, est enrĂŽlĂ© dans l’armĂ©e française ; lui et sa famille voient cela comme un honneur, n’est-ce pas l’occasion de revenir au pays en hĂ©ros ? Le voilĂ  donc parti pour la France, ce pays rĂȘvĂ©, dont il connaĂźt toute la littĂ©rature. Avec quatre autres jeunes Constantinois, Jacob participe au glorieux dĂ©barquement en Provence, mais en remontant vers le nord, la rĂ©alitĂ© de la guerre, le froid et l’horreur des combats le rattrapent. Rachel, Ă  des milliers de kilomĂštres attend le retour de son fils
 Quelque dix ans plus tard, une autre guerre, la contraint Ă  s’exiler en France.  ValĂ©rie Zenatti, en excellente conteuse, s’inspire directement de l’histoire des siens dans l’AlgĂ©rie française en se rĂ©fĂ©rant aux rĂ©cits que lui faisait sa propre grand-mĂšre. Ainsi parvient-elle Ă  recrĂ©er, avec une Ă©tonnante acuitĂ©, l’esprit d’une Ă©poque, ses clameurs, ses odeurs, ses saveurs, mais aussi la violence, la pauvretĂ©, l’autoritĂ© sourcilleuse exercĂ©e par les hommes. Et l’écriture de ValĂ©rie Zenatti, pleine d’empathie, de dĂ©licatesse et de force fait merveille. À l’écoute d’un monde disparu, elle Ă©voque aussi les lieux : Constantine, son rocher, son pont suspendu, terrain de jeux des gamins d’alors. Ces enfants sont envoyĂ©s au front, passant de l’exaltation Ă  la dĂ©sillusion en un jeu tragique. Impossible d’oublier Jacob, l’émouvant hĂ©ros Ă  la beautĂ© rayonnante
 Personnage rĂ©el ou idĂ©alisĂ© tel une icĂŽne en hommage Ă  tous les jeunes morts de toutes les guerres ? Peu importe. Et si aux souffrances des combats succĂšdent celles de l’exil, cette Ă©popĂ©e de douleur n’en est pas moins, Ă  la fin, couronnĂ©e d’espoir. Intense et magnifique.