Les contemplées

HILLIER Pauline

Incarcérée un soir à la Manouba, à Tunis, elle raconte : son expérience du temps carcéral, rythmé par un néant abyssal, « le premier objectif de la journée étant de la passer », par les événements de la détention  que ponctuent les insupportables fouilles au corps, dès qu’on est extraite de son « quartier », le rituel du ménage et des repas entre mouches et cafards dans un espace confiné de  28 détenues où la règle pénitentiaire se double de celle, non dite, du respect, au féminin, de la loi coranique. De sa vie d’avant, lui reste un exemplaire des Contemplations.

Au-delà de cette effrayante banalité décrite sans pathos par la jeune militante française, c’est d’autre chose qu’il est question dans ce roman autobiographique : de l’expérience d’une sororité entre des femmes de tous âges, condamnées, certaines à perpétuité, les « tueuses », d’autres en attente d’un hypothétique jugement, prostituées, épouses prétendument adultères etc… Derrière chaque délit, un trop plein insupportable de violences subies, toutes inscrites dans le « petit livre » de la misogynie locale. De ce terreau jaillissent, au fil des pages, des trésors d’entraide, de sollicitude, de tendresse, formulés dans le langage rude de la prison, une humanité sans faille. Pauline Hillier rend à ces oubliées un hommage aussi pudique dans l’émotion que cru dans le témoignage. C’est bouleversant. (C.B et J.G)