Le silence des oiseaux

PIATEK Dorothée

Il avait Ă  peine onze ans quand le juge l’a envoyĂ© en maison d’éducation surveillĂ©e, pour un mĂ©fait qu’il n’avait pas commis. Dans la forteresse qui surplombe le port de Belle-Île-en-Mer, c’est en enfer qu’il arrive. Il y passe de longues annĂ©es, partageant avec ses congĂ©nĂšres le triste privilĂšge d’ĂȘtre victimes de toutes les maltraitances : coups bas, brimades, cellule d’isolement, abus en tous genres
 Il faut avoir la vie furieusement chevillĂ©e au corps, ĂȘtre encore capable de croire Ă  une autre issue, et entretenir la rage de sortir vivant de l’enfer, pour voir dĂ©filer des jours mornes sans ĂȘtre acculĂ© au pire.Belle-Île-en-mer eut la rĂ©putation d’ĂȘtre parmi les plus dures des Maisons d’éducation surveillĂ©es — terminologie pudique pour Maisons de redressement qui ne furent fermĂ©es qu’en 1977. Inimaginable ce que l’on faisait subir Ă  de jeunes garçons pas tous coupables, si ce n’est d’ĂȘtre nĂ©s et d’avoir grandi hors de tout cadre familial ou affectif. Les rigueurs de la justice, la mĂ©chancetĂ© ou la perversitĂ© maladive des adultes auxquels on confiait leur sort, l’ambiance horrible de ce bout d’üle perdu, les hiĂ©rarchies entre pupilles tout aussi agressifs entre eux, la fragilitĂ© de certains conduits au suicide ou morts sous les coups
 Tout est dit Ă  travers un rĂ©cit aux accents crus et poignants, qui sait pourtant susciter la tendresse que l’on Ă©prouve instinctivement pour le hĂ©ros. Un coup de poing pour un travail de mĂ©moire sensible et Ă©mouvant.