Le narrateur, libanais sans doute, vivote à Montréal depuis sept ans entre aide sociale, petits boulots et expédients. Dans l’impitoyable hiver canadien, de son obsession de la nourriture et des femmes émerge la belle Soreh, réfugiée iranienne, objet de son amour. Ses entretiens avec une psychothérapeute rencontrée à la suite de sa tentative de suicide révèlent des bribes d’une vie antérieure cernée par la violence et la cruauté. Parfois, il s’imagine cafard et s’introduit dans les appartements, entre hallucination et réalité, pour prendre sa revanche en épiant les intimités, et se nourrir comme un riche, alors qu’il se sent indésirable, insignifiant, méprisable…
Lr ton très original, fantaisiste, exubérant, badin, contraste de façon surprenante avec la condition réelle du héros, rongé par la souffrance, envieux et sans avenir. L’auteur, récompensé pour De Niro’s Game (NB octobre 2008), met en lumière la hargne, l’amertume, l’envie et le désir de revanche de ces immigrés. Alors que lui-même et ses compagnons de misère ne sont que des bouffons pittoresques et des larbins corvéables, un ancien tortionnaire de Soreh est, lui, reçu avec tous les égards. Âpre, puissant et poignant.