La bascule du souffle

MÜLLER Herta

En janvier 1945, des milliers de Roumains germanophones de Transylvanie sont dĂ©portĂ©s en Russie. LĂ©opold, dix-sept ans, part ainsi, la valise pleine de vĂȘtements chauds, mais le coeur lĂ©ger, ravi de quitter sa famille et sa ville. La rĂ©alitĂ© du camp de travail le rattrape vite : les baraquements, les poux, les appels interminables, la briqueterie, les Ă©quipes de jour et de nuit, les tonnes de charbon Ă  pelleter, le troc, le porte-Ă -porte au village pour mendier et toujours l’ange de la faim qui rĂŽde. Sans nouvelles, sans espoir de libĂ©ration, il trompe la faim et l’ennui en se nourrissant en pensĂ©e de mots, d’odeurs, d’images du passĂ©.

 

Fille de dĂ©portĂ©e, Herta MĂŒller dĂ©sirait Ă©crire un livre avec le poĂšte germano-roumain Oskar Pastior. Comme celui-ci meurt, l’auteur change d’optique et, marquĂ©e par les souvenirs du poĂšte, entreprend seule le rĂ©cit de ces cinq ans de vie au camp. Son style, Ă  la fois sobre, incisif et imagĂ© (cf. La convocation, NB mars 2001), en fait une description saisissante, en une soixantaine de courts chapitres. Autant de trĂ©sors rĂ©vĂ©lant, malgrĂ© la faim omniprĂ©sente, l’envie de vivre et l’humanitĂ© des prisonniers. Un roman Ă©blouissant du prix Nobel de littĂ©rature 2009.