Et les morts nous abandonnent

Le livre a pour toile de fond les affrontements réels qui eurent lieu entre hindous et musulmans en février 2002 dans l’État de Gujarât et provoquèrent un millier de morts, majoritairement musulmans. Il est quasiment impossible de raconter, sans en déflorer l’originalité ou en atténuer l’impact, cette saisissante fable surréaliste ayant pour thème la violence, l’intolérance, la culpabilité, mais aussi la dualité de l’âme humaine, la fragilité des bourreaux. Au coeur du drame, un bébé monstrueux né dans une ville à feu et à sang, un père désemparé que plus rien n’étonne et qui navigue entre réalité et cauchemars. Ici les objets parlent, les morts aussi, toute frontière cartésienne est abolie. On s’embarque avec le héros à la recherche de la vérité, dans un voyage étrange et déstabilisant à l’issue complètement inattendue.Après Le Couvre-lit bleu (NB décembre 2001), le troisième roman de l’Indien Raj Kamal Jha, d’un registre différent, est toujours aussi dérangeant. Le message est fort. Certaines descriptions – celles du bébé, des assassinats – sont insoutenables. Mais l’imagination et la fantaisie de l’auteur prennent le pas sur l’horreur.