Après la chute d’une dictature militaire en Amérique latine, le policier Martens, emprisonné, remet à son avocat le manuscrit où il relate « l’affaire Salinas ». Novice dans la « Corporation », Martens, a intégré l’équipe de Diaz, supérieur cynique, et de Rodriguez, acolyte tortionnaire : le trio sert le pouvoir en place et, craignant un complot, procède à des arrestations sommaires et des interrogatoires musclés. Il prend dans sa nasse Enrique Salinas, fils d’un riche industriel juif, qui a participé par oisiveté aux mouvements d’opposition. Entre-temps, pour protéger son fils d’éventuels soupçons, le père lui a confié une prétendue action clandestine. Inexorablement, le système broiera le père et le fils.
Dans ce roman écrit en 1976, d’une écriture limpide et concise, Imre Kersétsz campe froidement trois figures de tortionnaires : le contraste avec la fragilité humaine des victimes donne au texte toute sa densité émotionnelle. Imre Kertész, Hongrois, prix Nobel de littérature en 2002, reprend le thème du totalitarisme (Le drapeau anglais, NB avril 2005) qu’il connaît bien pour avoir vécu deux dictatures.