L’Île des oubliés

HISLOP Victoria

Curieuse de ses origines, perturbée de sentir qu’elles lui sont dissimulées par une mère trop froide et lointaine, Alexis, jeune Anglaise de la bonne société, part à la recherche de son ascendance maternelle tout en profitant d’un voyage en amoureux sur les plages grecques. Et, « so shocking », la voilà qui abandonne quelques jours un fiancé très british, décontenancé par sa quête identitaire. Ainsi est-ce en solitaire qu’Alexis découvre Plaka, le village crétois de sa famille maternelle et, juste en face, Spinalonga, petite île qui fut, jusqu’en 1957, le refuge obligatoire de tous les lépreux du pays. De confidences en témoignages, à force de recoupements, Alexis parvient à déjouer les tabous : une partie de la saga familiale s’inscrirait dans cette léproserie… Elle découvre aussi, à Plaka et ses alentours, toute une parentèle au sein de laquelle des amours passionnées ont conduits certains au meurtre et d’autres à une générosité pleine de tolérance. Forte de toutes ces rencontres mêlant passé et présent, Alexis peut enfin élucider les mystères du passé de sa mère et se reconstruire, bien décidée à faire évoluer sa vie sentimentale de façon plus positive. Ce premier roman, qui fait la part belle à des faits authentiques, évoque un lieu où une colonie de malades instaura avec courage et intelligence une petite société gérant au mieux son lot de situations dramatiques jusqu’aux découvertes médicales qui ont éradiqué la lèpre. Avec un sens narratif plein d’allant et de sensibilité, enrichi d’un grand souci du détail, Victoria Hislop, diplômée de littérature à Oxford, entremêle les aventures sentimentales et les descriptions de la vie quotidienne crétoise passée et actuelle avec ses traditions rurales – bonheurs et malheurs partagés – et les bouleversements de l’occupation allemande. Elle réussit aussi, grâce à une construction impeccable, à mettre en scène un grand nombre de personnages, dont certains extrêmement attachants. Alors, comment ne pas se laisser entraîner dans cette ronde aux accents du sirtaki, cette fresque chaleureuse, rude mais optimiste, et d’une facture très agréablement classique. Un beau roman pour l’été, beaucoup plus qu’un simple « livre de plage » !