L’homme qui peignait les âmes

ARDITI Metin


Acre, 1079. Juif, le jeune pêcheur Avner livre son poisson à un monastère orthodoxe. Il aime ce lieu, ses senteurs, sa flore, le bercement mâle et doux des chants liturgiques. Saisi par la beauté d’une icône, il décide d’apprendre cette technique, les textes sacrés. Taisant son incrédulité, il est baptisé, quitte sa famille, se rend en compagnie d’un marchand musulman, fournisseur des couvents en feuilles d’or et pigments, à Mar Saba où œuvre l’élite des moines iconographes. Reconnu comme un artiste d’exception, il s’éloigne cependant des canons de la discipline…

Metin Arditi est un vrai conteur. Sa fiction est inspirée d’un fait réel : la datation au XIe siècle d’une icône du « Christ guerrier » attribuée longtemps par sa facture au XVe siècle. Le pouvoir évocateur de la phrase, juste, sensible, documentée de l’auteur rend terriblement attachante l’histoire de son héros que sa créativité hors normes expose à la vindicte d’une école iconographique encore assujettie aux stricts canons de l’époque. Ceux-ci imposent une austérité, un immobilisme qui briment son désir de chanter la beauté de la création et la fraternité entre les trois grandes religions du Livre. « On ne peint pas l’icône, on l’écrit d’une main guidée par la foi » dit son maître frère Anastase. N’ayant pas la foi, ce qu’il recherche avant tout à travers son art c’est amener les hommes à être meilleurs, « faire surgir en chacun sa part de divin ». Un très beau livre. (C.R.P. et M.-N.P.)