Les cerveaux lents des cerfs-volants

PERRIN Renaud

Dès l’abord, tout est étrange dans ce livre. À commencer par l’homme au chapeau blanc qui trouve sa place dans chaque illustration, soit en observant la scène dessinée, soit en devenant un des acteurs. C’est la silhouette de Raymond Roussel, une des figures du surréalisme français, qui ne connut jamais vraiment la notoriété. Ses recherches sur l’écriture ont inspiré ce fascicule de linguistique pour le moins original. Constitué de phrases homophones — phrases ou expressions qui se prononcent mais ne se transcrivent pas de la même façon — l’album offre à chaque double page une scène construite à partir de deux éléments de ces phrases particulières. Ainsi « des parts de mou thon/départ de mouton » est illustré par une scène portuaire de chargement et déchargement de bateaux ; « faux cils d’oursin posant/ fossile d’ours imposant » donne lieu à une visite de muséum d’histoire naturelle. Les confrontations ne sont pas toutes aussi drôles ou efficaces, mais le jeu sur le langage proposé peut initier la recherche d’autres oppositions.

Admirateur de cet écrivain méconnu, Renaud Perrin a mis sur ces phrases contorsionnées des images faites de papiers découpés qui en soulignent les incohérences rocambolesques, drolatiques ou bizarres. L’album intrigue ; le graphisme à la fois moderne et désuet surprend, et joue plus sur le registre de l’étrangeté que de la séduction. Une curiosité intellectuelle.