L’épaisseur du trait

CRENN Antonin

Alexandre, dix-sept ans, habite cour Saint-Éloi, dans le XIIe arrondissement de Paris, un minuscule logement. Le jeune homme vit dans un plan de ville : les rues sont surdimensionnées pour pouvoir y inscrire leur nom, et les immeubles en subissent les conséquences. C’est encore pire pour son camarade Yvan, dont l’impasse ne figure pas sur tous les plans, et qui ne peut parfois pas rentrer chez lui. Alexandre erre entre le lycée, les rues de son quartier, et l’appartement de son ami Eugène. Quelque chose d’indicible le travaille. Il sèche les cours puis prend un train, inopinément, qui finit par l’emmener dans une ville dont les espaces l’enivrent. On suit les déambulations d’un jeune homme sage livré à lui-même, tiraillé entre un besoin d’être rassuré et une aspiration à connaître autre chose que les limites étriquées de son quartier. C’est dans la ville lointaine, jamais nommée mais on reconnaît Rome, qu’il découvrira la liberté, la sensualité, le désir. Cette fable métaphorique sur l’émancipation, le passage à l’âge adulte, joue malicieusement avec ses contraintes de départ. Elle est baignée d’une atmosphère subtilement onirique doublée d’une inscription dans le concret marquée par des descriptions précises des lieux, l’attention aux détails. D’une écriture délicate, le roman dégage un charme éthéré, discret mais tenace, original et séduisant.  (M.D. et C.B.)