La fin du monde en trinquant

KRASSINSKY Jean-Paul

1774. L’observatoire impérial de St Petersbourg a repéré un corps céleste qui fonce sur la taïga sibérienne. Alertée, Catherine II ne se soucie guère de la communauté d’exilés dissidents et de paysans que menace l’impact. Sur les conseils de son éminence grise, Potemkine, elle consent à les faire prévenir… par le directeur de l’observatoire lui-même. Flanqué d’un protégé importun, celui-ci se met en route. En choisissant de représenter les personnages sous les traits de divers animaux, le récit évite l’écueil de la reconstitution historique ou plutôt la sublime : Catherine en marmotte au masque figé, chignon perché et oeil méchant vaut analyse, ou Potemkine en élégant renard. Quant à l’infortuné savant, cochon pas très orthodoxe car juif converti, il sait dire son fait à l’impératrice. Les trouvailles du trait souple sont magnifiées par le travail à l’aquarelle qui fait merveille dans les canaux de la capitale, tout de brume et de tons délicatement fondus, et les verts éclatants de la taïga, et illumine les trognes bestiales. Le protégé au grand nez et aux membres toujours en mouvement, « cornichon de première catégorie » selon son protecteur, se charge d’animer cette fable et de lui assurer une fin inattendue. (R.F. et M.D.)