Grand frère

GUVEN Mahir

Grand frère fait le taxi (Uber) après un passage difficile chez les parachutistes et les petits boulots douteux qu’on pratique dans les quartiers. Petit frère est un infirmier compétent à l’hôpital Pompidou. Tous deux vivant difficilement leur statut marginal de jeunes des banlieues, tous deux fidèles à la foi musulmane, inculquée par une bonne grand-mère syrienne. Un jour, Petit frère disparaît. Sans doute vers le Cham, la Syrie de leurs ancêtres…  Les deux garçons parlent en alternance, l’aîné plus longuement tandis qu’il tourne au volant de sa berline, réfléchissant, analysant avec une acuité qu’aiguise sa clairvoyance. La véhémence du discours saisit dès la première page. L’argot (avec glossaire, mais le sens se devine), les expressions percutantes, savoureuses souvent, traduisent avec force la colère, la tristesse, le sentiment d’injustice. Les monologues évoquent çà et là l’enfance, la mort prématurée de la mère française, la violence du père, communiste syrien réfugié, le quotidien médiocre et chaleureux… La loyauté familiale règne, irréductible, adoucie d’une tendresse qui ne se dit pas. Sans doute, la radicalisation de Petit frère est inattendue, difficilement crédible, le portrait des deux frères, avantageux, le conflit taxi/Uber, longuement exploité. Mais quel témoignage de cet auteur d’origine turco-kurde ! Et quelle voix pour ce premier roman ! (M.W. et L.G.)