Fantaisie pour deux colonels et une piscine

CARVALHO Mário de

Deux colonels retraités, récemment amis et voisins dans l’aride Alentejo, palabrent au bord d’une piscine où ils ne se baignent jamais. Bernardes, sympathisant de la Révolution des Œillets, est paradoxalement marié à une héritière foncière, volage, au langage grossier. Lencastre est un militaire conventionnel dont le rejeton quadragénaire est toujours contestataire. Leur seule activité consiste à épier les autres et à boire en évoquant des anecdotes de leur passé au Mozambique. Ils croisent le jeune et naïf Emmanuel, sourcier et joueur d’échec, dont l’oncle est le narrateur ironique de ce roman. Mário de Carvalho, opposant à Salazar mais critique vis-à-vis du Portugal contemporain empêtré dans ses contradictions, cultive l’originalité (Un dieu dans le souffle du jour, NB mars 2002). Il restitue ici le travers national consistant à déblatérer, de sorte que les événements et propos dérisoires se mélangent aux commentaires désabusés en un fouillis continu, sans chapitres. D’un récit baroque, dans un style tour à tour acerbe, familier ou proche du conte, émergent des tableaux saisissants. Quant à la fantaisie, elle est proche de la loufoquerie.