Après l’Éternité

OSSIPOV Maxime

L’Éternité… C’est une ville perdue en Sibérie. Avec un théâtre cependant. Et un directeur littéraire venu tout exprès pour diriger une troupe où flambe la belle Liouba. Érudit, délicat et timide, il est bientôt englué par l’absurdité du régime post-soviétique : la ville sera évacuée, une fusée transpercera le théâtre… L’absurdité enrobe aussi l’histoire de l’oligarque tout-puissant et ignare, minable chasseur de corneilles, ne sachant que faire de lui-même. Un véritable « Homme de la Renaissance », flagornent ses professeurs de musique et de littérature…  La même ironie amère, moquant au passage les dirigeants actuels, met à nu d’autres destins, d’autres vies ordinaires dans cette Russie, « pays de cons et de saints », où la guerre et le système vaguement menaçant assombrissent l’avenir de ceux qui veulent le scruter. On rentre aisément dans les récits où se retrouve l’auteur d’Histoires d’un médecin russe (NB octobre 2014). Puis un mot, une phrase arrêtent la lecture, amènent un retour en arrière, et la complexité savante d’un style habité par les grands textes littéraires apparaît (récits dans les récits, parallélismes, reprises d’expressions…). Autant que la forme, la densité des personnages inoubliables et le tableau fragmenté de la Russie contemporaine captivent.  (M.W. et A.Be.)