Amanda et les amis imaginaires

HARROLD A.F., GRAVETT Emily

Amanda est une fillette heureuse : sous le regard indulgent et complice de sa maman, elle partage ses espiĂšgleries avec Rudger, son meilleur ami. Un ami imaginaire ! C’est parfait jusqu’à l’apparition d’un inquiĂ©tant M.Butor, qui s’intĂ©resse de trĂšs prĂšs aux deux enfants. Quand un accident plonge Amanda dans le coma, Rudger, sĂ©parĂ© d’elle, commence Ă  « s’estomper ». Va-t-il  disparaĂźtre ou trouver, Ă  l’Agence des Imaginaires, le moyen de la rejoindre et d’échapper au monstre qui le menace ? Un ami invisible : quelle chance ! On peut mettre sur son compte les bĂȘtises qui nous feraient gronder, manger Ă  sa place le dessert qui lui est destinĂ©, etc. Il est le compagnon, le confident ; grĂące Ă  lui, on ne s’ennuie jamais. Un cadre urbain propice Ă  des poursuites, un prĂ©dateur inquiĂ©tant aux allures d’ogre mis en Ă©chec par de jeunes hĂ©ros intrĂ©pides : le scĂ©nario de ce roman d’aventure enchaĂźne pĂ©ripĂ©ties et dialogues, tous pĂ©tillants de drĂŽlerie. Plaisir garanti ! Un autre bonheur : les rĂ©flexions qui Ă©maillent le texte sur le statut  des «  imaginĂ©s », sur leur autonomie, leur survie quand leur hĂŽte vient Ă  manquer. Question au coeur de la littĂ©rature puisqu’elle concerne l’identitĂ© de toutes les crĂ©atures inventĂ©es. La romanciĂšre s’amuse : c’est dans une Agence en forme de bibliothĂšque que d’autres Rudger attendent leur rĂȘveur ou leur lecteur ! PrĂȘts Ă  endosser un nouveau rĂŽle, ils inventent d’astucieuses stratĂ©gies pour attirer l’attention ; car il y a des enfants « dĂ©fectueux » qui  ne se laissent pas sĂ©duire, qui ne voient rien au-delĂ  de la trĂšs plate rĂ©alitĂ© ! Gageons qu’ils sont bien peu nombreux. Reste nĂ©anmoins la question de l’oubli ! Sans nouveau « contrat », voilĂ  nos amis imaginaires condamnĂ©s Ă  s’effacer. N’est-ce pas vrai de tous ceux, de chair ou de rĂȘve, que nous avons aimĂ©s ? La mĂ©moire, heureusement, a mille astuces, elle aussi, comme l’imagination. La pertinence du parallĂšle est servie par la dĂ©licatesse avec laquelle il est suggĂ©rĂ© dĂšs le prĂ©ambule du roman : Ă  demi-mots, on aborde avec le sourire la question de la mort. Quel dĂ©fi pour l’illustratrice ! Jusque dans le dĂ©tail de la pagination, tout est raffinĂ© et amusant dans la mise en images prĂ©cise des multiples facettes du rĂ©cit. Pour reprĂ©senter  « celui que personne ne voit, sauf Amanda », elle joue sur les ombres, sur les transparences, sur l’utilisation du miroir. En blanc et noir, pour l’essentiel. Elle lui donne autant de prĂ©sence qu’à l’hĂ©roĂŻne. D’ailleurs, lequel des deux est le plus vrai ? Quelques pages en couleurs jouent le contraste. Les cadrages en gros plan servent l’imaginaire en ajoutant une touche de fantastique Ă  une histoire Ă  laquelle on croit du dĂ©but jusqu’à la fin ! (C.B., M.-C.D. et A.T.)