À propos de Hors Champ…

Des éditeurs désormais connus. Une envie de prendre de leurs nouvelles…

Rappelons-le, au moment où nous envoyons à nos lecteurs les quatre romans qui concourent pour le Prix Hors Champ 2022, la rubrique Hors Champ du site les-notes.fr a fait le choix de l’édition indépendante, de « petits éditeurs » qui nous font découvrir des auteurs dont l’écriture sans concession bouscule nos habitudes. De A comme Agullo à Z comme Zoé, nous avons découvert grâce à eux des textes parfois exigeants, des textes intrigants, qui ne se laissent pas oublier ! Si vous avez eu la curiosité de feuilleter le catalogue Hors Champ, si vous avez ouvert tel ou tel de ces romans, vous le savez déjà.

Or certains de ces « petits éditeurs » nous donnent de leurs nouvelles, n’hésitent pas à donner leur chance à des textes courts.

Des textes courts dont on se plaît à dire que le lecteur français ne les aime pas ! Des textes courts qui se prêtent pourtant à la lecture fragmentée qu’impose la vie d’aujourd’hui, loin du confort du cabinet de lecture de jadis, entre transports obligés et moments volés aux contraintes du quotidien. Leur production se serait-elle arrêtée à la fin du XIXe siècle où le grand roman s’appropria l’espace littéraire ? Les Soirées de Médan n’auraient-elles été qu’un jeu d’écriture fixant pour ce genre court une règle définitive : brièveté du récit et chute finale ? D’autres ont suivi, relevant le défi, Kafka, Buzzati, Bradbury, désormais classiques du genre… 

La nouvelle n’est pas morte !

L’attrait d’un écrivain pour la contrainte de la brièveté, n’est jamais un « faute de mieux », la nouvelle n’est ni un roman avorté ni une ébauche, c’est un jeu tout autre, un jeu exigeant avec la langue, avec l’ellipse et la suggestion. Le lecteur n’y entre pas en flânant, le temps de s’installer et de faire connaissance avec ses futurs compagnons de route ; c’est tout de suite, dès les premiers mots de la première page, que son attention est requise. Les nouvelles enfin nous arrivent souvent en recueil, multipliant le plaisir particulier de chaque texte par un effet d’échos car le recueil n’est pas une somme avec un premier texte et un dernier. Il faut y repérer, comme dans l’accrochage de tableaux pour une exposition, le fil rouge qui donne à chacun sa place et son sens à l’ensemble.

Nadège Agullo a ajouté à son catalogue une nouvelle collection : Agullo Court qui publie des textes de moins de 200 pages, recueils de nouvelles ou novellas. Un choix éditorial dont elle nous donne les raisons : « 2021 a été et est une année importante pour Agullo Editions, année de nos 5 ans, et il nous semblait que cette année charnière s’inscrivait un peu dans le « ça passe ou ça casse ». Dans cette optique-là, nous avons repensé la maison et réfléchi aux axes de développement qui s’offraient à nous. Nous publiions déjà entre 8 et 10 titres par an sous nos deux collections Agullo Fiction et Agullo Noir et ne souhaitions pas augmenter le nombre de publications dans ces collections à une époque où tout le monde se plaint de surproduction. L’idée de ces formats courts, plus petits et à petits prix nous est apparue comme une façon de nous développer sans pour autant concurrencer nos deux collections déjà existantes. Il nous semblait également que cela nous ouvrait un nouveau lectorat, peut-être plus jeune, aux habitudes de lecture différentes, dont l’accès au livre serait facilité par un prix accessible (entre 10 et 13 euros) et par le soin apporté au design du livre objet qui en faisait également un très bon livre à offrir. Sans oublier que les recueils de nouvelles sont souvent la première création de romanciers en devenir et que nous sommes ouverts à tous les genres : noir, humour, science-fiction etc.

C’est Presqu’îles du Médocain Yan Lespoux qui a lancé cette nouvelle collection. Après avoir publié des auteurs russes, polonais ou italiens, nous étions ravis de publier pour la première fois un auteur de notre région ! Son recueil évoque des tranches de vies de gens d’ici et de là-bas, des autochtones. Tous ses personnages évoluent les uns à côté des autres, naissant, vivant et mourant au même endroit ; on peut imaginer qu’ils se croisent dans ce recueil sans se connaître ou se reconnaître. Ce recueil est un livre-monde, le livre du Médoc mais avec une résonnance universelle, celle des communautés reculées ou isolées. L’auteur se montre à la fois tendre et cruel avec ses personnages. C’est drôle, noir, émouvant, parfois tragique.

Mars c’est tout autre chose, c’est un exercice de style, Asja Bakić, jeune autrice bosniaque féministe, a écrit une dizaine de nouvelles fantastiques. Le livre ne forme pas un tout comme  Presqu’îles. Le titre Mars renvoyant au dieu romain de la guerre, chaque nouvelle ayant pour personnage principal une héroïne, l’autrice a voulu par-là incarner la colère d’une/des femmes.

Le prochain titre à paraître dans la collection Agullo Court, le 7 octobre 2021, est Oiseau de l’auteur norvégien et same (lapon) Sibjørn Skåden. Cette novella, qui relève de la science-fiction de par ses thèmes, raconte, dans une temporalité autre, l’existence d’une communauté de colons sur la planète Home après qu’ils ont quitté une Terre à bout de ressources. Le traitement de l’histoire est celui d’un poète très impliqué dans la communauté lapone, sa culture et son histoire ».

Chez Agullo, Tristram, Mémoire d’encrier, Quidam, Au pont9 et les autres, quand nous prenons de leurs nouvelles pour les proposer aux lecteurs de Hors Champ, le choix est toujours hasardeux dans ce format qui se prête à des contenus si divers. Nous aimons les surprises que leur titre même, souvent décalé, nous réserve : de quel bocal nous viennent les Chroniques d’Antonia Hernot, où sont ces Presqu’îles visitées par Yann Lespoux ? Peut-être est-il temps de découvrir Ce que l’on ne peut confier à sa coiffeuse, qui est cet Ami Junger qui nous manque ou cette Famille qui ne nous manque pas, et de quelle langue nous viennent ces textes dont Le K ne se prononce pas. Voilà quelques-unes de ces nouvelles à savourer pour la surprise, le dépaysement, la poésie, la prouesse d’écriture, comme une pause gourmande, entre deux immersions au long cours dans le roman dont on se régale aussi. Pour citer Pierre Barrault, dans Catastrophes… que sont les nouvelles sinon « une infinité d’histoires qui, arrivées à destination, n’en feront finalement qu’une… », la nôtre peut-être.

Retrouvez-les sur le site, rubrique Hors Champ, et découvrez-en d’autres… quinze, vingt ou plus.

Des nouvelles de Hors Champ (cliquer pour voir la liste).

Claudine Bergeron

Mis en ligne le 29 septembre 2021