Victoire, les saveurs et les mots.

CONDÉ Maryse

De sa grand-mĂšre, Maryse CondĂ© ne connaissait qu’un portrait sur son piano. Une femme petite, menue, au visage fermĂ© : sa peau Ă©tait blanche, ses yeux clairs avec d’épais cheveux de soie, noirs. Elle s’appelait Victoire : nul ne sut qui Ă©tait son pĂšre et pas davantage celui de sa fille Jeanne. Cette derniĂšre n’en parlait jamais. Victoire se louait et fut une cuisiniĂšre hors pair, ne sachant ni lire, ni Ă©crire. EngagĂ©e chez les Walberg, elle quittera Marie-Galante pour la Guadeloupe, formant avec eux un curieux mĂ©nage Ă  trois qui fera jaser mais permettra Ă  sa fille de faire de solides Ă©tudes. “Noiriste” avant la lettre, Jeanne, qui avait grandi dans une famille de “Blancs pays”, n’aura de cesse d’en retirer Victoire.

 

AprĂšs La Belle CrĂ©ole (NB juillet 2001), l’auteure, en un portrait Ă©nigmatique mais attachant et nostalgique, revendique cet hĂ©ritage de saveurs et d’odeurs, le compare Ă  son goĂ»t des mots chantants, inventifs, qui font le charme de ce rĂ©cit.