Sombre dimanche

ZENITER Alice

Tous les fils Mandy premiers nĂ©s se prĂ©nomment Imre. Sauf Pal le pĂšre du hĂ©ros. C’est Imre le trisaĂŻeul qui a bĂąti la maison. Depuis cinq gĂ©nĂ©rations, les rĂ©gimes politiques successifs ont changĂ© : eux n’ont pas quittĂ© ce lieu. MĂȘme lorsque la gare de Budapest a encerclĂ© le jardin triangulaire de ses voies de fer, mĂȘme lorsque les trains ont commencĂ© Ă  Ă©branler les vieux murs. Imre dernier grandit dans un monde masculin taiseux, cadenassĂ© sur ses blessures et ses secrets. Il regarde les trains passer. Il ne les prend pas. Prisonnier de son histoire familiale, de son impuissance Ă  croire en lui, Ă  entreprendre, sensible, gentil, dĂ©faitiste malgrĂ© quelques sursauts, il se rĂ©signe. Et reste sur le bord du chemin. Sombre roman que ce Sombre Dimanche. Alice Zeniter (Jusque dans nos bras, NB avril 2010) excelle, en camaĂŻeu minutieux, Ă  distiller l’enfermement, l’immobilisme de cette famille autocensurĂ©e, traversĂ©e de soubresauts et de drames. La cocasserie qu’elle introduit, parfois jusqu’Ă  l’hyperbole, au coeur du tragique donne un peu d’air au rĂ©cit. PlutĂŽt que la dĂ©sespĂ©rance c’est une mĂ©connaissance congĂ©nitale de l’espĂ©rance qui accable le hĂ©ros. Est-ce aussi la dĂ©sespĂ©rance d’une sociĂ©tĂ© en mal d’avenir que propose l’auteur avec pessimisme mais talent ?