Quand je n’aurai plus d’ombre

VAN DIS Adriaan

Elle, presque centenaire, vit en Hollande : deux-piĂšces-balcon d’une rĂ©sidence senior. Lui, son fils, Ă©crivain dans la soixantaine, a choisi Paris depuis ses vingt ans. Visites sporadiques, coups de fil Ă©clairs. Lointaine, peu tactile, elle se dit occupĂ©e ; il en nourrit une frustration. Un jour, inhabituel, pressant, un appel de sa mĂšre lui demande de revoir sa maison natale, les polders et la glaise des vastes terres familiales sucriĂšres. Une dĂ©cision contractuelle se noue. Elle veut mourir, il doit l’aider. Son Ă©diteur Ă  lui s’impatiente, la page reste blanche. La contrepartie, ce sera les souvenirs de la vie si remplie mais trop secrĂšte de sa gĂ©nitrice. Donnant, donnant : une anecdote, une pilule


Adriaan Van Dis, le narrateur, se livre dans l’autofiction, le genre qu’il affectionne. Les propos grappillĂ©s sur la bouche de la mĂšre par le fils avide, le font pĂ©nĂ©trer une vĂ©ritĂ© bien Ă©loignĂ©e de celle, Ă©sotĂ©rique, battante, distante des apparences. Et lui-mĂȘme se dĂ©couvre jaloux, acrimonieux, provocateur. Alors, une fois dĂ©passĂ©s les chocs abrupts de l’arrangement et des Ă©vocations de la vieillesse, le lecteur reste accrochĂ© Ă  la dramaturgie travaillĂ©e, aux Ă©vocations saisissantes de l’occupation japonaise en IndonĂ©sie, Ă  l’écriture souple accompagnant au plus prĂšs ce pas de deux nerveux de ressentis enkystĂ©s, presque clandestinement perfusĂ© de tendresse. (C.R.-P. et S.D.)