Prélude à une guerre

REPILA Iván

Construire une ville « qu’il remplira de futur » est l’utopie d’Emil, un architecte talentueux, travaillé par l’orgueil et la démesure. Il a pour compagne Oona qui, par amour, l’accompagne d’abord dans ce projet, puis le quitte car elle en voit le danger. Le Muet, clochard flanqué de son chien hideux, a élu domicile sur un banc. Il y est rejoint par H, comme «hantise », jeune fille, figure des exclus et des incompris privés de parole. Le Muet devenu aveugle est dépositaire d’un carnet rouge, poème d’Emil à l’aimée, chant funeste de son échec et de la lente et sauvage apocalypse.  Éric Chevillard, dans une préface brillante, prévient qu’Iván Repila, espagnol, n’est pas le romancier de la banalité. Il est vrai qu’il déconcerte dès la première scène, saisissante de détresse. D’autres, à l’horreur insoutenable, suivront, heureusement relayées par l’amour et l’émotion, puis l’histoire s’embrume ; il faut capter le sens des ellipses successives et sentir venir le drame où se jouerait l’avenir de l’humanité. L’écriture, d’une richesse infinie, se laisse apprivoiser. Peu à peu on en savoure le rythme, la poésie et la part d’illusion. Évocation d’un monde très actuel, cruel et fragile, se rêvant éternel.  (V.M. et M.-A.B.)