Pour celle qui est assise dans le noir à m’attendre

ANTUNES António Lobo

À Lisbonne, une septuagénaire, atteinte de démence sénile avancée, a pour seule compagnie un chat et une femme âgée durement éprouvée par la vie, recrutée par le neveu de son second mari défunt. Les jours s’écoulent dans l’appartement, l’homme presse le médecin de lui annoncer la fin prochaine de sa tante, la servante vit dans l’angoisse de perdre son travail, le chat ronronne au pied du lit, la malade divague….  Le célèbre auteur portugais (De la nature des dieux, NB mai 2016) se livre à l’exercice périlleux qui consiste à pénétrer dans l’intimité d’un esprit dérangé et d’en restituer , par la magie de l’écriture, toute l’authenticité. Le résultat est magistral. Il faut entrer dans ce long soliloque et se couler dans « cette pensée livrée telle quelle sans les filtres qui la structurent, en nattes aux brins multicolores qui s’enchevêtrent » où quelques objets obsessionnels servent de repères. Revivant, pêle-mêle, les souvenirs les plus marquants et souvent les plus anciens de sa vie, son héroïne évoque son enfance choyée en Algarve entre ses parents dont le couple évolue cahin-caha, et surtout, en filigrane, ses tentatives ratées d’actrice et ses deux mariages. L’écriture obsédante, hachée, exige une lecture en continu de cette prouesse littéraire. (L.K. et A.-M.D.)