Neuf mois

VADOT Nicolas

L’angoisse du futur pĂšre, vous connaissez ? Colin oui. Toutes les nuits  pendant que sa femme ChloĂ© dort paisiblement avec son bĂ©bĂ© dans son ventre, il rĂȘve qu’il roule vers le pays du marchand de sable. Sable gĂ©nĂ©reusement distribuĂ© chaque nuit dans le monde entier par caravane de chameaux volants, suscitant les rĂȘves des ĂȘtres humains. Celui que vit Colin au dĂ©bouchĂ© d’un  tunnel routier urbain est stupĂ©fiant : un immense dĂ©sert de sable blanc, avec un  village et une usine oĂč s’activent des clones imperturbables de Sigmund Freud ; dans le ciel vole un grand et menaçant requin bleu, dans le sous-sol vit un monde sous-marin multicolore. Avec l’aide du marchand Tonio puis de MorphĂ©e, l’épouse psychothĂ©rapeute,  Colin expulse le chat qu’il avait dans la gorge, finit par affronter les monstres qui le hantent en les ramenant Ă  leur juste proportion. ApaisĂ©, il est prĂȘt Ă  accueillir sa fille et « tout prend un sens ».

Un rĂ©cit  intelligent, sensible et beau. TrĂšs. Les personnages, le hĂ©ros tourmentĂ© comme les fantasmĂ©s fantaisistes ont une vraie personnalitĂ©. Les dialogues sont dynamiques et savoureux, la voix off qui commente ça et lĂ  les cases sans bulles fait de courtes rĂ©flexions salvatrices. La narration suit un fil directeur vagabond, avec des ruptures de logique propres Ă  la dĂ©marche onirique ou Ă  l’écriture automatique. Le graphisme a une vraie identité : brut et variĂ©, semi-rĂ©aliste, avec des formes nettes, des crayonnĂ©s qui modĂšlent, des aplats de couleurs contrastĂ©es, avec beaucoup de  blanc – apaisant – et de rouge – paniquant. Il alterne planches muettes esthĂ©tisantes et  cases chargĂ©es d’actions enjouĂ©es, ajustant avec maĂźtrise formats et cadrages. Une belle rĂ©ussite.