Magnifique

DE LA VILLE BAUGÉ Jean-FĂ©lix

Rwanda, mai 1994 : gĂ©nocide des Tutsis par les Hutus, deux ethnies diffĂ©renciĂ©es au temps de la colonisation, opposĂ©es depuis des dĂ©cennies pour d’incertaines raisons auxquelles l’ingĂ©rence de multiples pays n’est pas Ă©trangĂšre. Magnifique, jeune fille tutsie, est la seule survivante d’un massacre gĂ©nĂ©ralisĂ© Ă©tonnamment calme. AprĂšs une folle errance et une hospitalisation, JĂ©rĂŽme, humanitaire suisse, la sauve. Amoureux d’elle, il l’épouse dans son pays et respectera, avec patience, humour et amour sincĂšre, son mutisme et sa volontĂ© rĂ©currente d’en finir. Car Magnifique est vivante, certes, mais morte aussi, prisonniĂšre de ses souvenirs.

Incapable d’en parler, elle Ă©crit Ă  son mari la veille d’une opĂ©ration. Avec une grande force Ă©vocatrice, elle raconte les atrocitĂ©s vĂ©cues, sa survie, ses doutes, ses blessures psychologiques incrustĂ©es, ses rĂ©voltes, son immense fatigue de vivre malgrĂ© une famille rassurante. La sobriĂ©tĂ© de la narration, sa pudeur, la construction du rĂ©cit alternant faits autobiographiques Ă  la premiĂšre personne et complexitĂ© du contexte historico-gĂ©o-politique composent ce trĂšs beau rĂ©cit. GrĂące Ă  ses qualitĂ©s humaines et littĂ©raires, l’auteur (Dieu regardait ailleurs, Les Notes aoĂ»t 2013) bouleverse le lecteur avec ce roman d’amour et de rĂ©silience. Un livre opportun en ces trente ans d’un tragique anniversaire. (A.C. et D.D.)