Ma petite histoire avant d’être né

CAMILLIERI Martine, RICHTER Gaspard

Que vivent les bébés dans le ventre de leur mère ? Assez grand pour comprendre les explications des adultes, un enfant s’amuse à « revivre » son existence dans l’utérus. Il évoque brièvement la rencontre d’un homme et d’une femme, l’évolution de la cellule à l’embryon puis au foetus, parle surtout de ses découvertes et sensations : sa maison aux murs élastiques, qui se transforme au gré de ses mouvements ; les voix et les rires qui lui parviennent ; le plaisir des mets sucrés mangés par sa mère ou le désagrément des plats épicés ; la douceur apaisante du pouce dans la bouche…

Résultat d’un échange entre une grand-mère et son petit-fils, ces souvenirs inventés, cautionnés par un pédiatre, ajoutent le charme et la sensibilité d’une présentation personnelle à ce qui pourrait se résumer à un simple documentaire illustré. Car tout est vu du point de vue supposé du bébé à naître : sa vie in utero et ce qui filtre du monde extérieur. Parce que c’est lui qui raconte, tout peut être dit, de l’embryon qui n’est pas encore une personne au séisme de la venue au monde, passage douloureux de la nuit à la lumière aveuglante, d’un petit espace clos à un univers inconnu. Les voix, les mouvements du corps de la mère, le toucher des mains sur le ventre sont ressentis de l’intérieur, et le lecteur prend conscience d’une autre réalité : le foetus ne peut pas se représenter les figures humaines et leur substitue l’image tendre ou drôle d’une biche ou d’un gros ours !!! Car c’est là qu’opère la magie d’un va et vient entre le « comme si j’y étais » de la vie in utero et l’humour du narrateur qui réinvente et relativise la fiabilité de sa mémoire.

La confrontation de notions scientifiques confirmées et d’une naïveté voulue dans la manière de dire les choses fait merveille. Comme font merveille les illustrations d’un garçon de dix ans, petit-fils de l’auteur, qui dessine, dans un utérus rose vif, la vie peu banale et les sensations multiples de ce petit être en devenir auquel il s’identifie, et qui apprend déjà à se connaître et reçoit le monde extérieur de manière feutrée. Il enrichit ses images d’onomatopées, recourt à ses références d’enfant pour exprimer la peur ressentie par le bébé au moment de quitter la sécurité de l’utérus. Coup de coeur pour ce livre au format poche qui explique la grossesse en incluant chacun dans un cocon tendre et souriant.