L’odeur du siphon

MUTARELLI Lourenço

Le narrateur tient une boutique de prêt sur gage. Quelque peu misanthrope, il décide de rompre avec sa fiancée à quelques semaines du mariage. Son délice, désormais, est d’admirer le plantureux cul de la serveuse du snack voisin, où il prend ses déjeuners au péril de son estomac. Il est dérangé par l’odeur nauséabonde qui provient de son siphon, mais n’est nullement disposé à dépenser de l’argent pour régler le problème. Il acquiert un jour un oeil de verre, qui le fascine au point qu’il le présente à tous ses clients comme celui de son père mort. Il déraille de plus en plus, convaincu que son ex-fiancée le poursuit de sa vindicte. Bienvenue dans le monde mental étrange d’un homme renfermé sur lui-même, qui n’est capable que de rapports voyeurs ou marchands avec ses congénères. Les histoires liées aux objets, il refuse de les entendre, tout comme la détresse des gens aux abois, se contentant d’accumuler ces biens hétéroclites, dont il ne semble jamais se défaire. L’écriture est aussi sèche et laconique que le narrateur. Un sentiment de malaise naît rapidement alors que la litanie des conversations quasi identiques avec les clients se répète, que ses obsessions (le siphon, le cul, l’oeil) s’affirment. Des dessins illustrent symboliquement chaque changement de chapitre. Le siphon est-il la métaphore d’un monde réifié, qui macère dans un matérialisme étouffant et sans espoir ? Un livre original et perturbant. (M.D. et C.B.)