Larmes blanches

KUNZRU Hari

Seth, un enfant des quartiers populaires de New York, adore se promener en enregistrant tous les sons possibles. Cela s’accompagne d’une passion pour la musique, notamment celle des rues. InstallĂ© dans un studio avec Carter, un camarade fortunĂ©, il fabrique et met en ligne des mĂ©langes de blues chantĂ©s par des Noirs des annĂ©es trente Ă  cinquante et de bruits contemporains, qu’ils vendent comme originaux. Leur recherche d’un chanteur disparu rĂ©active un passĂ© historique violent.  

Dans ce roman puissant, l’écrivain britannique, connu pour la subtilitĂ© de sa critique sociale (Mes rĂ©volutions, NB juillet 2008), analyse comment un authentique don peut se pervertir quand il se frotte au milieu pseudo-artistique des collectionneurs, dominĂ© par la convoitise et la rentabilitĂ©. Par une remarquable maĂźtrise de la langue (superbement traduite), tout dans l’écriture de l’auteur est imprĂ©gnĂ© de musique : l’hypersensibilitĂ© du narrateur, la reconstitution partiellement fantasmĂ©e d’un Sud sĂ©grĂ©gationniste, le monde du numĂ©rique transcrit en langage littĂ©raire ou cette tonalitĂ© chargĂ©e de sanglots quand l’histoire tourne au cauchemar. MalgrĂ© quelques longueurs et des obscuritĂ©s, le chatoiement complexe de cette sociĂ©tĂ© jeune, contemporaine, confrontĂ©e aux fantĂŽmes du passĂ© n’en finit pas d’impressionner.   (A.Lec. et B.T.)