L’air de rien

KUREISHI Hanif

Se dévouer pour Waldo, son vieux mari impotent et quasi-mourant, c’est beau. Mais il n’est pas étonnant que Zee, la jeune épouse de cet homme riche et célèbre, se ressource discrètement dans les bras d’un amant plus fringant – et qui guigne la bonne affaire. Cependant, Waldo, dont la libido et l’esprit demeurent très alertes, s’affaire à piéger son éventuel remplaçant pour garder jusqu’au bout la jolie Zee…  

Le thème est grivois, volontiers cru, car la sexualité est le carburant relationnel des trois partenaires. Pourtant l’approche de la mort leste ce roman de gravité, et un fond d’amour conjugal l’adoucit de tendresse. Quant à Waldo, le narrateur, est-il pervers ou victime ? On hésite. Hanif Kureishi (Le dernier mot, NB avril 2014) lui ressemble beaucoup – en un peu plus jeune, il est né en 1954 – car comme lui Pakistanais, réalisateur et écrivain reconnu, confortablement installé à Londres. Il se glisse avec une aisance cruelle dans le personnage du vieillard grabataire. Révélations sur le passé douteux de l’amant et stratagèmes de Waldo pour confondre l’adversaire réveillent l’intrigue qui ronronnait un peu. L’auteur cultive à merveille un réalisme distancié, animé de formules cyniques, désabusées ou hilarantes. (M.W. et C.-M.T.)