L’abîme

LEINE Kim

Mars 1918. Rouges socio-démocrates et Blancs conservateurs s’affrontent en Finlande. Des heurts fratricides particulièrement durs. La fleur au fusil, recrutés pour les Blancs avec quelques volontaires danois, les jumeaux Kaj et Ib quittent Copenhague. Ils sont étudiants, le premier en théologie, le second en médecine. Ils veulent combattre et combattent jusqu’à la reddition des Rouges, puis reviennent à la vie d’avant. Pas indemnes.  Kim Leine, lauréat en 2013 du Grand prix de littérature du Conseil Nordique, est infirmier. C’est plus de deux décennies de la vie de ses deux héros traumatisés qu’il couvre dans ces pages denses en rebonds et répercussions. On est saisi par l’écriture factuelle, clinique dans son souci quasi obsessionnel de transcrire tout détail, fût-il organique. Une plume qui n’occulte rien de la nature humaine : ni le sanguinaire, ni l’atroce, ni l’impitoyable, ni le dérisoire, ni l’ordinaire, ni le paradoxal, ni le cynique… Elle raconte, avec le même timbre implacable, la guerre rêvée, vécue, la paix, l’amour improbable, inaccessible, le sexe indispensable, insuffisant, à nouveau la guerre, mémorisée, regrettée, retrouvée. On chancelle sous le souffle puissant des lignes, noir, violent, cru. On s’interroge : ivresse de la guerre, ennui de la paix, où donc est L’abîme pour Kim Leine ? (C.R.P.)