Gentil bébé.

ROOKE Leon

Tout est noir dans ce petit coin de l’Amérique profonde des années trente : l’âme des humains qui l’habitent, le ciel, la situation économique. Un soir, un homme y tue une femme enceinte. Un journalier de hasard, Toker, recueille le bébé. Commence alors leur errance : haltes chez des voisins violents qui les rejettent, compassion chez d’autres qui assurent leur survie. L’enchaînement de ces rencontres aux vies entremêlées explique – avec logique – l’histoire de l’enfant abandonné : trait d’union entre ces habitants frustes, maudits, lumière de leur vie sordide et promesse d’une possible stabilité affective pour Toker-le Juste. Les nécessaires pérégrinations de l’enfant rédempteur se refermeront sur l’assassin par lui-même piégé.

Échanges verbaux crus, argotiques, contrastent avec le lyrisme de l’écriture quand l’auteur évoque le passé de ces êtres affamés de tendresse, leurs rêves, leurs rares instants de bonheur, dans une nature intensément présente. Par son habile construction, proche de En chute libre (N.B. déc. 2002), il se dégage de ce beau roman poignant, sans désespérance absolue, une émotion envoûtante.