D’acier

AVALLONE Silvia

Face Ă  l’üle d’Elbe frĂ©quentĂ©e par de riches Italiens, il est un coin de Toscane ignorĂ© des guides touristiques. La ville de Piombino y Ă©tale sa noirceur, dominĂ©e par les hauts-fourneaux d’une gigantesque aciĂ©rie. Les ouvriers du centre sidĂ©rurgique vivent dans des barres d’immeubles dĂ©glinguĂ©s, au milieu de la poussiĂšre et des cris. Anna et Francesca n’y font plus guĂšre attention, tout Ă  leurs rĂȘves d’évasion et Ă  leur dĂ©sir de sortir de leur condition. Voisines depuis l’enfance, insĂ©parables, elles vivent une amitiĂ© qui parfois les bouleverse dans leur sensualitĂ© naissante. Comme chaque Ă©tĂ© les « lolitas » profitent de la plage toute proche avec une joie endiablĂ©e. L’une blonde et l’autre brune, toutes deux avec des jambes interminables, les voilĂ  devenues, Ă  tout juste quatorze ans, d’une beautĂ© insolente. Elles attirent tous les regards, s’amusant Ă  provoquer avec un zeste de perversion et un petit reste d’innocence mutine. Mais le pĂšre de Francesca ne tolĂšre pas que sa fille lui Ă©chappe


 

Silvia Avallone fait preuve dans ce premier roman, Ă©crit Ă  vingt-cinq ans, d’un art admirablement maĂźtrisĂ© de la construction. Elle dĂ©ploie au fil des quatre parties du rĂ©cit une Ă©criture Ă  la fois libre et allusive pour Ă©voquer le sentiment d’étouffement familial avec, en contrepoint, les Ă©mois charnels des deux adolescentes, partagĂ©es entre effroi et fascination, attirance et rĂ©pulsion, cynisme et tendresse. L’usine est une sorte de monstre implacable qui, tout en faisant vivre des familles, use et broie les ĂȘtres, les menaces de chĂŽmage et les laisse cabossĂ©s, perclus de fatigue, enclins Ă  une violence que le machisme attise. DĂ©sespĂ©rant rĂ©quisitoire
  Et pourtant, rien dans cet univers chauffĂ© Ă  blanc et sans avenir ne peut endiguer ni les espoirs ni la vitalitĂ© fiĂ©vreuse de la jeunesse. Dans le contexte social mĂ©diterranĂ©en Ă  la fois cruel et actuel, ces pages brĂ»lantes, haletantes, se rĂ©vĂšlent d’une incroyable justesse. Et, d’un bout Ă  l’autre, quel souffle !