Crève Saucisse

RABATÉ Pascal, HUREAU Simon

Didier est un artisan boucher affable, compétent et adoré de ses clientes. C’est un homme tranquille, bon père de famille, mari affectueux, bon vivant, amateur de whisky et de bandes dessinées. Tout irait bien si au hasard d’une partie de pêche il n’avait découvert que Sandrine sa femme, le trompait avec Eric un ami du couple. D’abord effondré, il espère que les choses ne vont pas durer. Mais devant les humeurs de sa femme et les manigances des deux fautifs, il est pris d’une colère rentrée et terrible. Il décide alors de se débarrasser de l’indélicat. Il pioche dans les romans noirs de sa BD-thèque : La voiture piégée issue des aventures de Jil Jourdan, série culte des sixties, lui donne des idées. L’île de Noirmoutier et le célèbre passage du Gois – chaussée submersible deux heures avant la marée haute – sera un complice efficace ! Mais ce crime presque parfait va-t-il lui permettre de retrouver l’affection des siens ?

Ce polar imaginé par Pascal Rabaté est joliment tricoté. Dans une ambiance faussement bon-enfant, par vaguelettes insignifiantes, il immerge doucement ses personnages dans un drame au dénouement inéluctable dont personne ne sort indemne.   S’il est rare qu’une histoire d’adultère se termine bien, « quand on fait des cornes à un boucher, il ne faut pas s’étonner de passer de l’état de client à celui de marchandise ». Le dessin sans chichis de Simon Hureau, le dessinateur, est d’une efficacité telle que bien souvent les dialogues sont réduits au minimum, voire totalement absents. Mise en page et couleurs sont à l’unisson dans cet album où le malheur des uns ne fait pas le bonheur des autres.

Pour la quatrième fois, Noirmoutier et le Gois mystérieux ont été choisis pour cadre. Après Tilleux et la voiture piégée (1960) cité plus haut, Jean Graton et les Labourdet (1971), Bourgeon et les Passager du vent (1980) c’est aujourd’hui Rabaté pour Crève saucisse (édité il y a quelques mois) qui nous emmène dans cette île de charme et d’aventures et apporte un petit air iodé aux nostalgiques des vacances encore si proches.