Americanah

Encouragée par ses parents, enseignants nigérians, Ifemelu parvient à poursuivre ses études en Amérique. Beaucoup de ses amis à Lagos n’ont pas cette chance. Sûre de l’amour que lui porte Obinze et convaincue qu’il pourra la rejoindre à Philadelphie, la jeune étudiante aborde un continent fantasmé dont elle ignore les codes et les réalités. La couleur de la peau, l’origine, l’accent, autant de facteurs de discrimination. Doit-elle s’intégrer ou rester elle-même, faut-il se mettre à parler l’américain ou garder son bon anglais, défriser ses cheveux ou les laisser nature ? Elle constate les excès, le gaspillage, la dureté d’une société régie par la communauté blanche. Et aussi les subtils clivages entre Noirs. De découvertes en désillusions, Ifemelu se bat, vivant des idylles sans jamais oublier son premier amour. Puis, au fil des mois, laisse éclater sa personnalité et sa verve impertinente grâce au blog qu’elle a créé pour épingler le racisme ordinaire. Au bout de treize ans, mariée, bardée de diplômes et en pleine ascension professionnelle, elle choisit de revenir au Nigeria où une autre vie l’attend… Le regard aiguisé que porte la romancière sur les différences culturelles, le sexisme, le pouvoir de l’argent, est celui d’une femme qui a expérimenté, de près ou de loin, toutes ces situations, des plus anodines et triviales aux plus graves et aux plus intimes. Cette authenticité s’impose au milieu des éclats de rires, de colères et de pleurs de ce beau personnage féminin, sans doute son alter ego. Tendre et violente Ifemelu, amoureuse à la fois flamboyante et vulnérable, elle garde la nostalgie de son pays natal, mais aime aussi l’Amérique, son pragmatisme et l’espoir insufflé par Barak Obama. Ce grand roman d’amour et de sociologie – oui, ici les deux se marient avec bonheur – est servi par une écriture ample et précise, avec une alternance d’accents délicats et poétiques, d’envolées truculentes ou de traits d’humour bien ciblés. Et c’est ainsi, par touches imagées et une construction chahutée, que Chimamanda évoque, à l’encontre du politiquement correct, les facettes multiples et contrastées de la société nigériane et américaine. Quel souffle !(P. H., A.M.D. et C.G.)