3 contes cruels

SYLVANDER Matthieu, BARRIER Perceval

Avec un potager pour décor et des légumes comme acteurs, un petit théâtre de la bêtise, tout en couleurs et en saveurs, assaisonné d’une pointe d’humour noir : à consommer sans modération !

 Mourant d’ennui, les poireaux sagement alignés dans le potager rêvent d’ailleurs, d’aventures, d’exotisme. Un jour, une vache pointe son museau par-dessus la palissade, la finaude se fait passer pour un renne du Père Noël en partance vers le pôle, et leur fait miroiter une autre vie. Les nigauds sont terrassés par l’émotion et, quand elle les invite à la suivre, ils se pressent pour un voyage… sans retour ! Quels idiots ces poireaux, ricanent leurs voisines les carottes, en mal d’évasion elles aussi. Bien plus futées, elles creusent un tunnel et débouchent chez des chauves-souris, heureusement insectivores, qui justement se rendent à une fête. Elles entraînent les intrépides carottes… dans une garenne ! Quant à Roméo, le poireau, il aime en secret Julotte, la carotte ; leur amour découvert, c’est le scandale ! Les deux familles se toisent, s’invectivent, s’empoignent : tout le potager s’en mêle et le voilà totalement dévasté, les légumes juste bons pour une macédoine.

 

Trois petits contes cruels dont les héros sont des légumes, voilà qui est original, inventif et d’autant plus réjouissant qu’il contient un clin d’oeil aux fables de La Fontaine et à une allusion inattendue à la pièce de Shakespeare. D’un récit à l’autre, les mésaventures s’enchaînent comme les épisodes d’une saga potagère à la cruauté réjouissante. Dans un style proche de la bande dessinée, les courts passages narratifs sont entrecoupés de scènes en images où animaux et légumes discutent dans des bulles. Le comique de situation se joue de la naïveté et de la crédulité de ces pauvres légumes sans cervelle qui fantasment leur vie plutôt que la vivre! De quoi ravir les jeunes lecteurs auxquels les malheurs de ces nigauds n’inspireront aucune compassion. Pas d’identification possible à de tels personnages, ni d’ailleurs à leurs étonnants prédateurs. Quant au pugilat dans le potager, son comique graphique est rehaussé par la verdeur de la joute oratoire qui oppose allègrement les deux camps avec des expressions de cour de récréation croquées sur le vif et qui font mouche. L’album doit aussi son unité à une palette sobre qui décline le vert, le blanc, l’orange, et au trait qui croque des personnages d’une saisissante expressivité. Avec son humour souvent décalé et des situations cocasses, cette satire de la bêtise devient une première lecture jubilatoire.

Lauréat Prix Livrentête 2014 – Catégorie « Bandes Dessinées Enfants ».