226 bébés

VESCO Flore

Chrysostome Bert, pour faire plus simple, coule à 76 ans un début de retraite heureuse dans une jolie maisonnette avec chat, vache et jardinet. Mais, à la verticale de ce paradis, passent des cigognes qui, dans un virage en épingle, laissent tomber… jusqu’à 226 bébés. C’est beaucoup mais Bert n’est pas homme à se laisser envahir de la sorte. Que faire pour se défaire de ce lot de nuisances potentielles ? Vaille que vaille, il tasse les 226 dans une charrette et le voilà parti avec sa vache et son lait sur les routes du canton en quête d’aspirants à l’adoption, à l’achat, ou autre bonne affaire. L’aventure commence.  D’entrée de jeu, nous sommes au pays des contes : « Il était une fois… » et dans ce périple nous allons croiser Barbe Bleue, La Belle au bois dormant etc… revisités avec une réjouissante fantaisie par une romancière qui s’amuse à parodier les classiques. Le tempo du récit est donné par le décompte des marmots. Monotone ? Non : cette foire aux « bavpartoux » est truffée de rebondissements car Bert a des principes et du coeur : il ne place pas ses loupiots n’importe où ! Flora Vesco écrit pour faire rire les enfants : ils peuvent s’identifier sans inquiétude à « Claude 216 » ou à « Claude 222 ». Un clin d’oeil à Claude Ponti et aux 120 petits de sa Pétronille ? Quoi qu’il en soit, l’aventure de Bert au pays des contes, découpée en 11 courts chapitres au gré des aléas des rencontres, tient le lecteur en haleine jusqu’à ce que soit réglé le sort de tous les « petiochons ». Jusqu’au dernier pour le plaisir d’un dénouement plein de tendresse… La saveur de ce roman tient également à son écriture. Flore Vesco aime jouer avec la langue : pas moins de 126 mots désignent les bébés, au gré de l’humeur de qui les nomme : quand les synonymes font défaut, les néologismes viennent à la rescousse avec une inventivité communicative. Le tout répertorié en fin de livre pour inviter à poursuivre. La romancière interpelle le lecteur, le rend complice de son travail avec une feinte désinvolture et beaucoup d’humour : elle exploite des astuces de mise en page (texte barré, page blanche …) suscitant ainsi le plaisir d’une lecture active. La conception de ce livre dans le cadre du Feuilleton des Incorruptibles atteste d’ailleurs de cette volonté et c’est une réussite. Le roman est illustré, un bon choix pour un lectorat jeune :  les illustrations complices de Stéphane Nicolet n’écrasent pas le texte ; en noir et blanc, elles le ponctuent d’une note d’humour supplémentaire, dans le détail de la représentation caricaturale des personnages comme dans la mise en scène de leurs exploits.  Un livre pétillant qui séduira enfants et adultes. (C.B et A.-M.R.)