Venir au monde

MAZZANTINI Margaret

En 2008, Ă  la suite d’un coup de tĂ©lĂ©phone, Gemma, la cinquantaine, intellectuelle de la bourgeoisie romaine, se rend Ă  Sarajevo en compagnie de son fils, ĂągĂ© de seize ans, peu enthousiaste Ă  l’idĂ©e de ce dĂ©part impromptu avec elle. À quoi rime d’ailleurs ce voyage-pĂšlerinage ? Est-ce pour que ce fils unique, outrageusement choyĂ©, connaisse sa ville natale, Sarajevo ? Est-ce pour y retrouver le souvenir de Diego, son mari photographe mort en Bosnie ? Serait-ce pour revisiter les lieux des dĂ©buts de l’amour passionnel, prĂ©lude Ă  sa naissance ? Ou simplement pour rĂ©pondre Ă  l’invitation d’un ami bosniaque, poĂšte haut en couleurs, compagnon des bons et mauvais jours Ă  Sarajevo ?

DĂšs l’aĂ©roport, les souvenirs surgissent et habitent Gemma : sa quĂȘte folle avec Diego d’une maternitĂ© que la nature lui refusait, le recours Ă  une mĂšre porteuse, ultime espoir, et les dĂ©sillusions, la jalousie qui la poignait, les amitiĂ©s qui se nouaient, la solidaritĂ© et les atrocitĂ©s… Et Sarajevo omniprĂ©sente qui la hante, ludique en 1984 avec les J.O. d’hiver, puis tragique quelques annĂ©es plus tard sous les tirs des snipers.

 

Venir au monde dĂ©bute comme un roman d’amour psychologique, se poursuit en une fresque historique doublĂ©e d’une sorte de journal intime oĂč sont jetĂ©s, en vrac, comme dans l’urgence, pensĂ©es, Ă©motions et commentaires. Les Ă©tapes du voyage rĂ©veillent en clair-obscur les scĂšnes brĂ»lantes, sensuelles et tragiques du passĂ©. À cette alternance de sĂ©quences, zooms et contre-plongĂ©es (oui, le cinĂ©ma n’est pas loin
) s’ajoute une construction de thriller, avec des indices, des retours de situation et une fin en coup de thĂ©Ăątre. Quant aux hĂ©ros de cette dramaturgie, ils ont une rĂ©elle prĂ©sence activĂ©e par une accumulation de dĂ©tails – foisonnement impĂ©tueux, dĂ©sordonnĂ© comme la vie elle-mĂȘme dans les conditions les plus extrĂȘmes. Le roman, de plus en plus attachant, de plus en plus bouleversant au fil des pages, maintient sa cruelle sĂ©duction jusqu’au bout. Avec des scĂšnes inoubliables, un livre qui « colle aux coeurs et aux corps ».