Une famille passagère

DONOVAN Gerard

Margate, une station balnéaire du Kent à la fin de l’été 1938. Un landau est laissé sans surveillance près des attractions sur la promenade. La femme qui l’observe depuis un moment se décide, s’en approche et part avec. Elle rejoint sa voiture sans hâte, souhaitant presque être arrêtée, mais personne ne s’interpose. Elle installe le bébé sur le siège arrière et démarre tandis que l’agitation grandit autour des parents de l’enfant, désemparés.

 

 En faisant de la voleuse d’enfant la narratrice de son roman, l’Irlandais Gerard Donovan (Pays de cocagne, NB mai 2011) met le lecteur dans une situation peu confortable et très romanesque. Peut-on s’identifier à un tel personnage de fait divers, trouver des circonstances atténuantes à un tel geste ? Tantôt touchante de naïveté et d’inconséquence, tantôt repoussante d’égoïsme et d’insensibilité, l’héroïne poursuit son rêve de maternité et son désir famille au cours d’un périple halluciné sur les routes côtières de la région. Certes, ce court roman laisse bien des questions en suspens, mais le récit de cette errance dérangeante est éclairé par une écriture très suggestive. Et l’évocation de l’avant-guerre et des paysages du sud-est de l’Angleterre sur lesquels s’abat l’ennui de l’arrière-saison est assez bien réussie. (T.R. et M.Bo.)