Quand vous reviendrez, aurons-nous une auto ?

KAHN MichĂšle

Si elle avait eu une auto, la famille Kahn aurait pu Ă©chapper Ă  l’une des derniĂšres rafles de juifs, Ă  MontbĂ©liard, en 1944. Les parents ne reviendront pas. SauvĂ© in extremis par une voisine, ‘tante Lou’, (1), Pierre, 11 ans, sous prĂ©texte de tuberculose, va aller au grĂ© des accueils possibles, dans un prĂ©ventorium, Ă  Besançon, puis en Suisse. L’enfant Ă©crit son journal sous forme de lettres Ă  ses parents.

 À travers les lettres mĂȘlĂ©es aux souvenirs actuels de Pierre lui-mĂȘme, l’on dĂ©couvre la vie en zone libre ou occupĂ©e, les restrictions imposĂ©es aux juifs, les actes d’égoĂŻsme ou de rĂ©sistance des uns et des autres (l’enfant JĂ©sus arbore l’étoile jaune dans la crĂšche de NoĂ«l). Les deux formes de rĂ©cit s’articulent avec cohĂ©rence et souci du concret, et des archives familiales complĂštent la documentation. Pierre se rĂ©vĂšle courageux, capable d’accepter ses nombreux changements de vie, et appliquant avec dĂ©termination cette forme de rĂ©silience qui l’a tant aidĂ©: « arrĂȘter de penser Ă  ce que l’on vient de quitter, est le seul moyen de ne pas en souffrir ». Il aura toujours dit oui Ă  la vie. Le moment oĂč il a compris la mort de ses parents reste son secret.

(1) dĂ©corĂ©e en 1966 de l’Ordre des Justes.