Nous aurons aussi de beaux jours : écrits de prison

DOĞAN Zehra

Condamnée à six cents jours de prison par le régime d’Erdogan après les événements de juin 2016, l’artiste et journaliste féministe kurde Zehra Doğan correspond avec Naz Öke, militante turque réfugiée à Paris. Cette dernière a réuni et traduit les réponses que lui a faites son amie durant son emprisonnement.  Cet étrange échange épistolaire où seules figurent les réponses forme le témoignage d’une féministe que l’Orient, sa culture patriarcale et ses conflits politico-religieux ont forgée. Ce qui prime dans sa révolte vient autant des limitations imposées à son talent que de l’atteinte à sa liberté, parce que femme. Authenticité et militantisme peuvent se nuire. Ici le dilemme est autre. Dans une grande partie du recueil une musique plus forte que ses constructions théoriques se dégage, une émotion et une poésie poignante émergent de nombreux passages, comme du cahier hors-texte d’esquisses réalisées en prison dans des conditions impensables (comment ceci a-t-il pu éviter la censure ?). Mais en ne faisant pas figurer les lettres de Naz Öke auxquelles ces réponses s’adressent n’a-t-on pas tronqué la portée militante voire le sens du livre ? N’était-il pas dès lors artificiel d’adopter cette encombrante écriture inclusive qui, prétendant valoriser le féminin, en brise l’élan ? (A.Lec. et F.L.)