Mon traître d’après le roman de Sorj Chalandon

ALARY Pierre

Antoine, le luthier, découvre l’Irlande du Nord en 1975 et avec elle, les horreurs du conflit entre républicains et royalistes qui virera rapidement en une guerre entre protestants et catholiques. Deux ans après, il fait la connaissance de deux Irlandais sécessionnistes qui seront bientôt ses meilleurs amis, Jim et Tyrone Meehan. ‘Son traître’Tyrone, tel que les républicains le connaissaient, était vu comme un vétéran, une figure de proue. L’amitié du Français, fasciné par ce modèle, l’amène à s’engager chaque jour davantage auprès des rebelles. Une amitié qui reste indéfectible jusqu’à ce que la trahison de Tyrone soit dévoilée en 2006. Le Français n’en sait rien durant les soulèvements de 79, ni pendant l’emprisonnement de Tyrone, ni durant les grèves de la faim à partir de 81 au cours desquelles meurt Jim. Puis vient la paix. Antoine apprend alors que la trahison durait depuis vingt-cinq ans.  On ne peut qu’être ému et bousculé par cet album, fruit d’une magnifique complicité entre deux hommes. D’abord l’auteur et journaliste Sorj Chalendon qui a décrit magnifiquement dans un roman éponyme (sorti en 2008) sa propre expérience de l’Irlande – c’est lui, Antoine – ainsi que son attachement à son excellent ami, Denis, qu’il a nommé Tyrone, “le Traitre”. Ensuite Alary, l’auteur et illustrateur de BD, auquel le journaliste, en toute confiance, a laissé la bride sur le cou pour adapter son roman, et qui réussit à rester fidèle à l’esprit du livre et à répondre au souhait du romancier : faire d’une expérience personnelle, un épisode humain aux dimensions universelles. Sa construction originale dévoile progressivement le déchirement d’une magnifique amitié. L’alternance entre ce que vit le Français, traduit en dessins semi-réalistes aux couleurs en à-plat, et la vie de Tyrone évoquée à travers les minutes glaçantes de son interrogatoire par l’IRA, augmente l’intensité dramatique de cette descente vers la perfidie.  (Y.H. et C.D.)