L’Invention de la vérité

MORAZZONI Marta

Ce livre s’appuie sur deux oeuvres majeures de l’art occidental, la Tapisserie de Bayeux (1066) et La Bible d’Amiens de John Ruskin (1885). L’auteure met en parallèle ces univers si différents et pourtant complémentaires. Elle imagine, d’une part, un atelier géant de trois cents brodeuses rivées à leurs métiers sous l’oeil sévère de la Reine Mathilde. D’autre part, elle met en scène l’ultime visite à Amiens d’un Ruskin vieillissant cependant toujours habité par le Moyen Âge et hanté par les souvenirs de ses voyages juvéniles.  Le roman se déroule sur un rythme extrêmement lent, selon un découpage minutieux, avec une attention maniaque aux détails – une vague bleue délicatement brodée sur le lin, la Vierge Dorée du portail sud amoureusement observée. Marta Morrazoni intègre également au récit des mythes ancestraux qui tissent, en filigrane, un lien entre la toile et le livre. Grâce à une écriture poétique et à une capacité inventive certaines, la romancière entrecroise les fils ténus de la tapisserie et les lourds piliers du chef-d’oeuvre gothique. Elle relève le défi du décalage chronologique – huit siècles ! – et répond, à sa manière, à la remarque de Ruskin : « On peut imaginer des choses fausses et composer des choses fausses ; mais seule la vérité peut être inventée. »