L’Inamour

HEIM Bénédicte

Constantin n’est sans doute pas un enfant comme les autres : les imprĂ©cations de son pĂšre en tĂ©moignent, le silence apeurĂ© de sa mĂšre Ă©galement. Il a deux grandes sƓurs, Ambre, la parfaite, Mano, que ses rondeurs disqualifient. Pour Constantin, la cause est entendue, la cause est perdue.  L’école n’est pas pour lui ; Ă  la maison dont il ne sort pas, le cerisier du jardin lui sert de refuge, quand Mano qui comprend ce frĂšre Ă©trange peut l’y accompagner.

La voix de Constantin fait entendre cette histoire insupportable de maltraitance et le cheminement d’un enfant qui raconte, au fil des jours, les brimades, les insultes prĂ©tendument Ă©ducatives d’un pĂšre tentant de guĂ©rir la blessure narcissique d’une paternitĂ© déçue. À la ruse machiavĂ©lique de cette cruautĂ©, la romanciĂšre oppose l’intelligence d’un enfant, aiguisĂ©e par la souffrance.  Pot de terre contre pot de fer. Et pourtant
 il y a, dans le monologue de Constantin, une force poĂ©tique dĂ©chirante :  celle d’une langue Ă  lui, parlĂ©e, sans ponctuation, qui dĂ©nonce « l’inamour » tapi dans les mots du pĂšre et leur oppose en secret, comme un antipoison, les mots de l’amour et leur puissance crĂ©atrice magique. Entre roman et poĂšme en prose, ce texte inclassable qui sĂ©duit par la fluiditĂ© et la tension de son Ă©criture hors du commun, est en soi un manifeste sur le pouvoir du langage.  (C.B )