L’imprudence

LOO HUI PHANG

A vingt trois ans, une photographe parisienne revient Ă  Savannakhet, au sud du Laos, oĂč elle est nĂ©e. Elle est lĂ  pour les obsĂšques – dans la plus pure tradition vietnamienne – de sa grand-mĂšre maternelle. Elle lui avait fait Ă  dix-sept et vingt ans deux trĂšs courtes visites ; cette fois elle accompagne sa mĂšre et son frĂšre de dix ans son aĂźnĂ©. La voilĂ  troublĂ©e, en jeune femme trĂšs affranchie, de voir sa mĂšre sous le joug du patriarcat et son frĂšre ravagĂ© par la mort d’une grand-mĂšre qui a illuminĂ© son enfance d’enfant-roi. Elle apprend aussi Ă  connaĂźtre son grand-pĂšre, ses mystĂšres, ses amours. La jeune femme n’avait qu’un an lors de la fuite de sa famille venue se rĂ©fugier en France quand le rĂ©gime autoritaire s’était installĂ© au Laos. Ainsi, Ă©trangĂšre Ă  son pays de naissance comment parviendra-t-elle Ă  se connecter Ă  sa propre histoire familiale et trouver un Ă©quilibre ?Dans ce premier roman trĂšs maĂźtrisĂ© d’une auteure connue pour ses bandes dessinĂ©es, nĂ©e au Laos il y a une quarantaine d’annĂ©es, la narratrice s’adresse Ă  son frĂšre Ă  la deuxiĂšme personne pour tenter de le retrouver. Adulte brisĂ©, addict Ă  la drogue et aux jeux vidĂ©os, il porte la souffrance d’avoir laissĂ© derriĂšre lui son enfance et son pays jamais oubliĂ©s. Elle, la petite soeur, fait preuve d’une forte personnalitĂ©, d’un grand besoin d’indĂ©pendance et d’une sexualitĂ© trĂšs affirmĂ©e. Loo Hui Phang illustre ainsi avec force et sensibilitĂ© le refus de soumission, cette« imprudence » libĂ©ratrice qui marque la famille Ă  chaque gĂ©nĂ©ration. La grand-mĂšre fuguant a douze ans  pour sa sauvegarde physique, la famille en fuite pour Ă©chapper Ă  la dictature, le grand-pĂšre loin des carcans par amour ainsi que sa petite-fille par dĂ©sir de jouissance. L’écriture nerveuse est Ă  l’image de l’hĂ©roĂŻne, sĂ©ductrice, provocante et cĂ©rĂ©brale. De la profondeur, du charme, de l’ironie, avec, par-dessus tout, une authenticitĂ© trĂšs Ă©mouvante pour parler de quĂȘte identitaire plutĂŽt que de deuil. Quelle belle dĂ©couverte ! (T.R., L.D. et C.G.)